Bien-Aimé Don Pedro : “Un Homme pour les autres”- Article n° 1 : ENRACINÉ DANS L’AMOUR ET LA FOI

By Educate Magis
May 16th, 2023

En cette année 2023, nous célébrons le 50ème anniversaire de la célèbre exhortation du Père Pedro Arrupe « Des Hommes et Femmes pour les Autres ». Ce discours fondateur du Père Pedro Arrupe SJ, alors Supérieur Général de la Compagnie de Jésus, adressé lors d’un congrès international d’anciens élèves d’écoles Jésuites à Valence en 1973, a lancé un processus de réflexion et d’auto-évaluation qui a conduit au renouveau mondial de l’éducation Jésuite.

Dans son discours, le Père Arrupe exhortait les éducateurs à former « des hommes et des femmes pour les autres ». Cela a changé non seulement la vision de l’éducation Jésuite, mais aussi celle des Jésuites et de leurs collaborateurs. Le Jubilé d’Or de ce célèbre discours est l’occasion  pour tous les éducateurs, étudiants, parents et acteurs de nos écoles de réfléchir sur ce que signifie être ” des hommes et des femmes pour les autres “. Plus que jamais, aujourd’hui, nous avons besoin d’être “des hommes et des femmes pour les autres”, pour un monde de paix, axé sur la justice et la fraternité.

Pour ce faire, nous aimerions vous proposer une série d’articles écrits et partagés par le Père Hedwig Lewis SJ, un grand écrivain jésuite de la Province de Gujarat en Inde, qui a été publiée en 2007 pendant les célébrations du centenaire de la naissance d’Arrupe. Ses réflexions sont intemporelles et très pertinentes pour nous aujourd’hui. Cette série, Bien-Aimé Don Pedro : “Un Homme pour les autres”, couvre des anecdotes de la vie du Père Arrupe, ses écrits, ses expériences vécues et ses pensées spirituelles.

Tous les éducateurs de notre communauté mondiale sont invités à apprendre et à réfléchir sur l’identité du père Pedro Arrupe et sur l’héritage qu’il a laissé à l’éducation jésuite !

Nous partagerons un article par mois. Vous êtes tous invités à partager vos réflexions et vos commentaires dans la section des commentaires située au bas de chaque article.

Voici l’article n°1 “ENRACINÉ DANS L’AMOUR ET LA FOI”.   

ENRACINÉ DANS L’AMOUR ET LA FOI

La graine germe

Pedro Arrupe est né le14 Novembre1907, dans la ville basque de Bilbao, en Espagne. Il était le seul fils d’une famille de cinq enfants, et sa plus jeune sœur avait quatorze ans de plus que lui. Pedro a été baptisé le lendemain de sa naissance dans la belle Cathédrale gothique de Saint Jacques. Son père était un riche architecte et sa mère une femme au foyer attentionnée. Pedro et ses sœurs ont été nourris dans la Foi et élevés dans l’amour et le confort.

Supplément au GujaratJésuite Samachar, mars 2007
Edité par Hedwig Lewis SJ

Pendant six ans [1916-22], Pedro fréquenta l’école gérée par les Pères Piaristes. En 1918, il rejoignit la Sodalité de Notre-Dame, devenant membre du conseil exécutif en 1920, d’abord en tant que chef de la section d’art dramatique, puis en tant que vice-préfet. Il a également rédigé plusieurs articles pour la revue de la Sodalité « Flores y Frutos ».

Anecdotes familiales

Dans ses « Conversations Autobiographiques » avec Jean-Claude Dietsch SJ, [entre Noël 1980 et Pâques1981, moins de six mois avant qu’il ne soit victime d’un AVC invalidant], publiées dans son livre « One Jesuit’s Spiritual Journey » (Le Cheminement Spirituel d’Un Jésuite), le Père Pedro Arrupe donne un aperçu intime de sa vie.

« Ma famille était très proche, très calme et très patriarcale au sens catholique du terme », a révélé Arrupe à un intervieweur de1980. « Je me sentais très heureux dans le groupe familial. Il n’y avait pas de problèmes majeurs, nous allions à la messe ensemble et il y avait un sentiment de confiance totale entre nous. »

Marcelino Arrupe, son père, était un architecte qui construisit de nombreuses maisons à Bilbao ainsi que dans les environs. Le père Arrupe l’a décrit comme étant « très bon, très gentil » et, par tempérament, un « faiseur ». Il avait une « voix de ténor exceptionnelle » et chaque fois qu’il chantait dans la chapelle de l’école jésuite d’un village voisin, les foules se rassemblaient pour l’écouter. Il était aussi un promoteur enthousiaste des Exercices Spirituels de St Ignace. Chaque année, pendant la Semaine Sainte, il organisait une retraite pour les notables de Bilbao. L’un des fruits de la retraite de 1901 fut la fondation et l’édition du journal catholique « La Gaceta del Norte », qui devint bientôt populaire dans toute la région.

Chaque année à Bilbao, selon une longue tradition, il y avait une procession en l’honneur du Sacré-Cœur. Dès l’âge de trois ans, Pedro accompagnait son père à la procession. Ils marchaient « côte à côte », rappelait le père Arrupe, « le grand Marcelino Arrupe portant un grand cierge et le petit Pedro Arrupe, heureux d’être là portant fièrement son petit cierge. C’était un spectacle bien connu. »

A l’âge de 18 ans, alors que Pedro étudie la médecine à Madrid, son père tombe malade. Pedro se précipita à Bilbao pour trouver son père partiellement paralysé. Cette année-là, son père décède. « Durant ces derniers jours », se souvient-il, « la procession du Sacré-Cœur passait devant la maison. Je ne pourrai jamais oublier son regard à ce moment-là. C’était une communion de souvenirs, de foi et d’espérance. Pour moi, c’était très émouvant. »

La mère du Père Arrupe, María Dolores Gondra Arrupe, « une très sainte femme », mourut alors qu’il n’avait que dix ans. Elle devait subir une opération et les jeunes enfants furent envoyés vivre chez sa sœur mariée pendant quelques semaines. « Quand je suis revenu, elle venait de mourir. Avant de m’emmener la voir pour la dernière fois, mon père me dit : « Pedro, tu as perdu une sainte mère. Mais souviens-toi toujours que tu as une autre Mère encore plus sainte au ciel ».

Aperçu de la personnalité du Père Arrupe

Un homme en mission

Cela peut paraître étrange, mais c’est un fait que je n’ai jamais eu de véritable conversation personnelle avec le Père Arrupe… Pourtant, Don Pedro était de ces hommes qui n’ont pas besoin de mots pour communiquer ; sa simple présence proclamait le message d’un homme envoyé par le Seigneur pour aider la Compagnie à se renouveler dans l’esprit du Concile Vatican II.

Le Père Arrupe a apporté avec lui des dons extraordinaires de l’Esprit : le don d’être profondément enraciné dans l’inspiration fondatrice d’Ignace, le don d’être imprégné de l’esprit de prière et de discernement enseigné par les Exercices Spirituels, le don de faire toujours et partout confiance à ses compagnons Jésuites pour être de véritables contemplatifs dans l’action apostolique, et le don d’un incroyable optimisme pour inaugurer un nouveau style de vie religieuse, enraciné dans l’amour du Christ, afin de sauver un monde d’incrédulité et d’injustice. Certains ont qualifié son optimisme d’ingénu, et son défi de renouveler d’imprudent et de naïf. Cependant, le voir, c’était comprendre qu’il s’agissait là d’un homme envoyé par le Seigneur pour être, en des temps très difficile, un Serviteur de la Mission du Christ.   Peter-Hans Kolvenbach SJ

L’optimisme personnifié

Don Pedro était un homme de l’Evangile, chaleureux, magnanime et sensible, dont la foi animait un incroyable optimisme. Il affirmait que son optimisme était fondé sur l’espérance : « Le véritable optimiste est celui qui a la conviction que Dieu sait, peut faire et fera ce qui est le mieux pour l’humanité. » Presque toujours souriant, il adorait chanter en groupe et son chant spirituel préféré était « Nobody knows the troubles I’ve seen » (Personne ne connaît les problèmes que j’ai vus).  Joseph MacDonnell SJ

La confiance de Pedro Arrupe en Dieu n’a jamais faibli, et il l’a communiquée par son sourire doux et chaleureux. Ce n’était pas le sourire du déni, mais celui de la perspicacité. Ce sourire jaillissait d’un cœur qui connaissait l’amour de Dieu et aimait sa création. C’était le sourire de quelqu’un qui pouvait mettre les étudiants au défi d’être « des hommes et des femmes pour les autres », les mettre au défi en fait d’être comme lui-même.

En 1981, Pedro Arrupe fut victime d’un grave accident vasculaire cérébral et, au cours de la décennie suivante, il a montré comment on peut trouver Dieu dans la souffrance et le déclin. En 1983, il transmit son dernier message public en déclarant : “Je suis plein d’espoir !”. Quelqu’un dut lire le message à sa place, mais Pedro Arrupe souriait.

Le Leader Serviteur

Alors que le père Arrupe, en tant que général, visitait l’Amérique latine, un cireur de chaussures dans la rue lui demanda soudainement s’il pouvait cirer ses chaussures. Le père Arrupe se pencha et murmura quelque chose à l’oreille du garçon, puis il tendit ses jambes pour permettre au pauvre garçon de cirer ses chaussures.

Tandis que l’enthousiaste garçon s’attelait à la tâche qui lui permettait de gagner chichement sa vie, ceux qui accompagnent le général le regardaient, se sentant naturellement très embarrassés. Lorsque le garçon eut terminé sa tâche, le père Arrupe, à la surprise générale, inversa les rôles. Il s’agenouilla pour cirer les chaussures du cireur.